jeudi 27 octobre 2016

Le regard

Il me faudrait votre regard
Un poil sournois et l'oeil hagard
Ou votre doigt, sonde phallique
Pour que mon sein, alors, abdique
Pointe rondelette, sous votre langue
Cerise rose ! et moi je tangue…



Pour lire les précédents billets : Les jours roses

samedi 15 octobre 2016

Certitude et déchirure

Voici un texte que j'ai retrouvé dans mes archives.
Il a 10 ans (un peu plus).
J'y dévoile une part de moi, et je trouve qu'il mérite sa place ici. Aujourd'hui, je le livre sans aucune retouche même si je trouve que certaines parties pourraient être revues.
C'était ainsi que je l'avais conçue. C'est ainsi qu'il est.

La certitude

Avec une lenteur effiloché —peut-être ni croyais-je déjà plus ?—, j’acceptais le sort qu’il m’offrait. L’attente d’un petit moment de bonheur. La douceur de sa voix. Les mois filaient sans qu’on s’y attarde plus qu’il ne faut. Éternelle attente.
Janvier s’était déroulé comme un hiver édifiant : il était libre. Ou presque. Il était grand temps pour moi d’enfin faire face à la vie. À mes envies. Je jubile. Et pourtant, et pourtant rien n’y fait. Je reste comme étranglée quant il s’agit de me lancer dans cette grande aventure. Je vis de moments étranges, où se mêlent mon attente, mon désespoir, ma fureur, d’être incapable de prononcer ces mots.
Pendant plusieurs semaines, j’envisage toutes les situations… plus j’y pense et plus je suis malade. Je finis chaque jour, le cœur au bord des lèvres. Comme si ce secret inébranlable, je l’avais avalé de travers. Ce grand mal. Ma virginité. Celle-là même qui m’empêche de vivre un amour pleinement. Impossible de ne pas penser que les autres, hommes et femmes, n’imaginent même pas pensable qu’il soit encore envisageable à mon âge de ne pas être aller au bout des choses. Cette évidence.
Je lutte contre vents et marées. S’il faut donc y passer, allons-y. Ce ne fut qu’angoisse continuelle. Le moment idéal n’existe pas.
Pendant que je m’acharne sur ma vérité… Il m’échappe. Le temps, voilà ce qu’il manque.

Nous nous croisons. Cœurs fléchis tous deux par nos propres histoires. On se voit. Mais sans se reconnaître. Nous semblons comme attachés à nos aléas sans pouvoir isoler un peu de nous. En se confiant un peu mais sans se comprendre réellement.

Les vacances nous séparent irrémédiablement en Juin, puis en Juillet. On se voit en pointillé. Je rêve encore du moment où j’aurais la force de lui faire part de mes angoisses. J’ai bien trop attendu, je sais. Mieux vaut tard que jamais, me dis-je, ou jamais? Je n’ai qu’une semaine pour me dévoiler.
Août. Où mon cœur dévasté dans un seul souffle.

Cette semaine si courte, soudain alourdie par ses mots.
Sa copine.
Ma tortueuse journée. Vendredi.
Éventrée que j’étais par cette vérité.
Ne l’avais-je pas mérité?
Dépitée.
Mon attente désespérée, voilà où elle me mène.
Je me mue dans mon masque imperturbable, pendant que mon cœur se déchire. Ça ne peut être vrai.
Tout est flou d’un coup. Je n’écoute plus mais je souris vaguement comme si je comprenais les paroles indistinctes qui s’immiscent entre ses mots qui résonnent. Improbable.

Je suis écartelée. Je suis dans un autre monde. Lentement je sens l’affliction me plonger dans un état nébuleux. On est amis, simplement amis. Bientôt une larme perle au coin d’un œil. Je la retiens. Un poids terrible s’abat sur mes épaules. La musique se fond dans mon appartement. Je souffle, alors que la vérité s’entremêle à mon délire. Quand déferle Square on, je n’y tiens plus. Je tremble de désespoir et cette larme coule, début de sa traversée impitoyable jusqu’au creux de mon épaule. Ma douleur lancinante. Lentement elle me terre et m’avachit dans ma faiblesse indiscutable. Et comme elle est arrivée, ma tristesse se voile. J’ai la nausée. Il me semble plus raisonnable de glisser dans la nuit afin de calmer mon étroit évincement. Je me couche le ventre creux, le cœur épuisé. Ce monde vide de sens. La nuit est un trou noir dans lequel je tombe sans pouvoir trouver le sommeil. Je suis dans l’incompréhension. Je me sens engloutie dans ce monde intransigeant. Je vois s’égrener les heures et samedi pointer sans qu’aucun repos m’ait apaisée. Je ne sais que penser. Je ne sais où je vais. Des pensées destructrices volent dans mes interrogations. Il y a urgence. Je sens que j’ai besoin d’aide pour surmonter cet obstacle. Un ami se trouve alors remplis de mon histoire, étonné d’avoir été choisi pour être le confident de la grande révélation de ma vie. Je suis presque désolée d’avoir à le lui faire porter. N’a-t-il pas assez à porter avec ses propres malheurs?
Ce tellement long week-end.
Lundi. Par la force des choses, je suis amenée à lui parler sur le web… Je mets un certain temps à trouver les mots qui expliquent que je vais assez mal. Un mail qui enfin contient mon secret, ma souffrance… Patience. Voilà donc une chose de faîte. Le sort en est jeté. Encore des larmes, mes dernières gouttes d’espoir qui s’en vont brillantes et frêles. Mon bateau qui tangue entre deux rives… Réapprendre à ramer semble être la seule issue pour rejoindre la vie. Je me sens vidée. Pas tellement effondrée. Juste vide de sentiments, vide de sens. Il est 15h, L’ascenseur fait toujours autant office de boîte sarcophage. Au bout, il y a la lumière. Dehors il fait beau, juste qu’il faut pour le moral. Je descends la rue bruyante malgré l’heure et la saison. Paris, toujours vivante, envers et contre tout. Je suis encore ailleurs, et petit à petit j’arrive à distiller dans mon regard le soleil ambiant. Un bien-être encore étriqué fourmille dans mon esprit soudain repris d’inspiration. Fidèle alliée dans mes désespoirs. Mon âme songeuse remet en marche ses rouages, tout englués qu’ils étaient dans mon attente. J’ai envie d’un pain de terre. Quelque chose de lourd dans mes mains, peut-être le besoin d’extérioriser la lourdeur qui froissait mes épaules, de la tenir, de la modeler, de lui redonner forme, de la porter, de la mettre enfin sur la table. L’envie de créer.

Mardi. Il est 16h. J’ai quitté l’air éclectique de Chatelet par le météor. Dans mon sac, plein d’histoires dans lesquelles me plonger, des histoires qui ne sont pas les miennes. J’ai besoin de me plonger dans d’autre vie, pour éviter de penser saccageusement à la douce nostalgie d’une vie rêvée. Je descends à Bercy, histoire de marcher dans le parc et de profiter de l’air estival. Je respire. Alors voilà, changement de cap. Comment continuer à avancer quand le but fixé s’est soudain avéré inatteignable? L’herbe est verte près du palais omnisports. Elle vient d’être coupée… Ça sent la fraîcheur, et l’envie soudaine de me rouler dans cette étendue, de la caresser, de la foulée pieds nus me prend. Pourtant je ne m’écoute pas. Mon esprit est indubitablement ailleurs.
J’entre par cette petite porte qui couine. Le jardin. Je remarque que les romarins ont fait place à la terre retournée, comme moi. Plus de romarin. Plus d’amour. Pas après pas, je parcours les plants. Il reste encore le thym, me dis-je en sentant un brin attrapé en passant. Un pâle sourire naît sur mon visage. Finalement, je n’ai rien perdue. Ce qui n’est plus, c’est quelque chose qui n’a jamais existé. Je me sens bucolique. Je fais trois pas dans l’herbe, alors ça y est. La douceur de vivre me revient, moins forte qu’avant, certes, mais plus vraie. Un oiseau s’envole et je m’envole aussi.
Libre.
Libérée.

Nous sommes amis.
N’est-ce pas encore plus beau?

Encore dois-je faire appel à tous mes sens pour repeupler l’horizon désertique. L’amour que je lui porte, celui là même qui me rendait si forte, si sûre de toutes les choses, me rend si faible maintenant devant le regard des autres.

Retour

Je regarde en arrière.
Mes souvenirs sont entremêlés de bonheur et d’incompréhension. Je ne suis qu’habitée par le doute, et tout ce que je revois est une remise en question. Pourquoi est-ce que mes rapports aux autres ne sont pas plus simple ? Pourquoi s’y glisse-t-il toujours ce poil de complexité ? Moi qui voulais tant profiter du plaisir de chaque instant, me voilà prise à ramoner chacun de ces instants. Cette vie que je voulais pouvoir façonner de mes mains.

La veille d’un week-end.
Un bien pauvre moment, quand mes yeux se perdent dans cet automne à peine acquis. Celui-là même, qui, comme moi, hésite à choisir entre des journées palpitantes à l’émotion estivale et la plénitude glacée de la langueur hivernale. On y perd nos repères. Que faire quand les week-end sont agacés de leur liberté, sont nourris de vide, étouffés d’espace ? Cet espace auquel on aspire tant quand les journées sont amochées par la routine et qui d’un coup prend un air béant presque trop accessible. Le vertige de la liberté.

Déchirure

Le soleil brillait, bien que le temps soit encore un peu frais, il avait délaissé son écharpe, et mis sa veste. L’air lui adressait ses premiers amas d’oxygène. Un peu trop, Peut être. En arrivant, toujours avec son sourire « jeune cadre dynamique », il adresse quelques bonjours à ses collègues. Un soupire. Voilà.
Il pose sa veste sur un meuble, glisse vers la machine à café, s’octroie un moment de détente, observe les autres, élabore déjà son planning de la journée.
Ses lèvres plonge dans le café, médiocre.
Quelqu’un vient le rejoindre.
Quelqu’un.
On reste impersonnel.
Ce n’est pas qu’une impression. Il y a bien une déchirure entre le monde extérieur à l’entreprise et l’intérieur.
On reste impersonnel.
A quoi ça servirait ?

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